Ils sont tombés amoureux de l’Estonie en 2015, y ont prêté main forte à des amis éleveurs, y sont revenus en stop, puis la voiture chargée à bloc ! Élie et Clarisse, français, ont tout plaqué pour s’offrir un terrain de deux hectares, niché dans les bois, au Sud du pays.
Vivre au milieu de nulle-part : le prix de la liberté
Depuis octobre 2016, Élie et Clarisse vivent au milieu des bois, entourés d’arbres, de grands gibiers et quelques prédateurs dont une meute de sept loups. Des ciels étoilés, pas un bruit, la première ville à 20 kilomètres, accessible en majorité via pistes carrossables. Cet environnement sauvage laissait présager de merveilleuses promesses. Une vie simple, du temps pour s’acclimater et fabriquer, petit à petit et à l’huile de coude, leur autonomie. Ils ont aussi choisi ce terrain pour sa cabane en bon état, de quoi passer l’hiver au chaud tout en mettant les mains dans le projet, sans attendre.
Un mode de vie rustique
Une cabane en fustes, chauffée au bois, sans eau courante. Élie et Clarisse y ont expérimenté leur premier hiver et des températures frôlant -30°C. Ils disposent de l’électricité et d’Internet en haut débit (en Estonie, Internet fonctionne sans prise téléphonique ni incident, même au milieu des bois). Un poêle de masse à l’estonienne (cuisinière et murs chauffants en briques) garantit le maintient de températures confortables (entre 16 et 20°C) ; une marmite de 20 litres chauffée en continu subvient aux besoins en eau chaude. Ils n’utilisent aucun électro-ménager, hormis un combi plaques-four pour cuisiner rapide et limiter la consommation de bois lorsque que le poêle tourne à moindre régime. Un sas d’entrée de 4 mètres carrés, non chauffé, a été scindé en plusieurs espaces : une partie fait office de frigo (une solution temporaire, pas toujours efficace) ; une autre a été réservée aux toilettes sèches. Un premier hiver dédié aux impondérables, concentré sur la limitation/ recyclage des déchets et des produits ménagers. Ils ont banni liquide vaisselle, cosmétiques et autres produits transformés, se limitant au combo savon de Marseille-agrumes-bicarbonate de sodium-vinaigre blanc. Ces six premiers mois leur ont permis d’acquérir une première expérience, et de prendre des décisions « logistiques » : ils se sont passés facilement de l’eau courante, aussi ne sera-t-elle jamais installée.
Qu’ont-ils fait de leurs 6 mois d’hiver ?
Neige, gel, pics de froid polaires. Impossible de creuser, donc, de planter ou de construire quoique ce soit. L’hiver est toutefois propice à la coupe ! Le terrain a été inhabité pendant 25 ans, c’est dire la masse de travail à effectuer. Débarder, scier, fendre et débroussailler sur les deux hectares, en privilégiant la récup’, ont constitué les principales tâches quotidiennes. Ici, pas de pertes, tout se transforme : d’un côté, stères de bois de chauffage ; de l’autre, création d’un plessis de plus de 200 mètres linéaires. Avec un objectif : protéger le futur potager (1000 m2) du gibier. Pour gagner du temps, Élie et Clarisse coupent à la tronçonneuse. Ils ont cependant pris le parti de restreindre l’utilisation d’outils thermiques.
La cabane, habitable mais vide, a nécessité quelques aménagements intérieurs : meuble de cuisine, étagères, bancs en bois (issu des installations existantes sur le terrain), revalorisé et assaini grâce à la technique japonaise du bois brulé. Ils se sont également constitué un début de basse-cours, poules aux œufs verts ou bleus, oies et canards, pour l’instant hébergés avec les moyens du bord : dans le sauna, inutilisable dans l’immédiat.
Enfin, ils ont profité de la morte saison pour sympathiser avec leurs rares voisins (à plus de 800 mètres, de l’autre côté de la forêt), troquer de l’eau contre des pommes ou des aller-retour en voiture et, surtout, faire leurs premiers pas en langue estonienne. Également pour renouer avec d’anciennes amours, vannerie spiralée, travaux d’aiguille et explorations ethnographiques du pays.
Fin d’hiver, lancement des vrais grands projets
Fonte des neiges, dégel et allongement des journées riment avec grand travaux. En priorité, la préparation de l’hiver prochain ! Il s’agira avant tout de revoir l’aménagement du logis, afin de limiter les fuites thermiques : réparation du plancher, des doubles fenêtres (en Estonie, pas de volets, mais un système d’isolation via doubles fenêtres), de l’isolation du grenier et consort. Ensuite, réhabiliter les équipements extérieurs, autant que faire se peut avec un budget serré : le puits, l’étang, le cellier enterré.
Le climat estonien a pour conséquence de retarder de plus d’un mois le lancement des premières cultures. Car s’ils n’y sont pas encore, Élie et Clarisse espèrent bien atteindre une certaine autonomie alimentaire. Les forêts alentours offrent champignons, baies sauvages et ails des ours. Ils comptent bien réveiller leur verger, planter petits fruits et autres légumes. Le potager a été préparé de manière à y cultiver, cette première année dans un espace limité, et selon diverses techniques telles que la culture sur couches chaudes, paillis, sous serre, légumes, herbes aromatiques ou médicinales. Il a été pensé comme un espace vivant, abritant la basse-cours, appentis et autres zones propices à la flânerie, à l’instar de la prairie, fleurie, agrémentée de ruches non exploitées, fauchée à l’os. Ils y feront paître les moutons des voisins.
Entre la création d’habitudes et l’optimisation nécessaire de ce dont ils disposent, en vue d’un nouvel hiver, Élie et Clarisse auront peut-être le temps d’aménager quelques cabanes en forêt ou dans les arbres, afin d’accueillir des aventuriers !
Pour contacter Élie et Clarisse, rendez-vous sur leur page Facebook : Voyage à reculons.
Légende des images
1- Principale
Chez eux, constructions estoniennes traditionnelles en fustes : l’ait, une remise ; derrière, le sauna et la grange en pierres de taille. Crédit : VàR.Photo 2
Le poêle estonien traditionnel : cuisinière et mur chauffant. Crédit : VàR.Photo 3
À l’intérieur du logis. Crédit : VàR.Photo 4
La clôture du potager, un plessis constitué des reliquats de coupes. Crédit : VàR.Photo 5
Le poulailler, à l’intérieur du sauna. Crédit : VàR.Photo 6
Forêt estonienne. Crédit : VàR.Photo 7
Une vue sur l’étang, l’ait et le sauna, début novembre. Crédit : VàR.
Un grand merci à Elie et Clarisse pour nous avoir transmis leur expérience de vie à partager.